Nous avons le plaisir de vous convier au prochain séminaire de VALE sur le thème « Matières vivantes / Living Matters ». Nous aurons le plaisir d’entendre Cécilia Bognon-Küss (UFR de Philosophie, Sorbonne Université) pour une intervention intitulée : « Huxley et Claude Bernard à propos des bases physiques de la vie. Une conception métabolique du vivant? »
La séance a lieu à la Bibliothèque de l’UFR d’études anglophones (escalier G, niveau G), de 17 h 30 à 19 h 00.
Résumé: Dans une conférence dédiée à la « base physique de la vie » Huxley (1868) annonçait avoir résolu le problème de la relation entre vie et matière: la clé de la vie réside dans le « protoplasme », base matérielle de toute forme de vie et qui relie entre elles toutes les organisations vitales, du lichen à l’homme. Reprenant les analyses de Huxley (et de Haeckel) sur le protoplasme et les extrayant de leur contexte évolutif et, au moins en partie, morphologique, Claude Bernard Bernard reformulait en 1878 la théorie protoplasmique dans le langage de la physiologie, c’est-à-dire en la centrant sur l’activité nutritive de la matière vivante. L’un des objectifs de Bernard dans les Leçons sur les phénomènes de la vie communs aux végétaux et aux animaux de 1878 était certainement d’établir l’autonomie de la physiologie générale par rapport à la chimie d’une part et aux sciences contemplatives d’autre part (anatomie, morphologie, zoologie, botanique…). Dans cette optique, le développement de la perspective nutritive de Bernard sur la vie au niveau protoplasmique est également stratégique puisqu’il lui permet de se débarrasser de la morphologie : la physiologie se concentre sur la matière vivante plutôt que sur la forme, non seulement parce que la forme ne peut être soumise à l’expérimentation, mais surtout parce qu’elle n’est pas une propriété nécessaire de la vie. Si la vie existe sans forme, alors l’unité de base de la physiologie n’est pas la cellule, qui est un organisme déjà complexe, mais le protoplasme, « la base physique de la vie » comme le disait Huxley (1868). Une telle conception permettait alors à Bernard d’articuler différemment la relation entre forme et matière chez les êtres vivants, d’un point de vue que l’on dirait métabolique – c’est-à-dire de réévaluer la distinction entre une » faculté évolutive, directrice, morphologique » conférant au vivant sa distinction ou sa forme, et un métabolisme assurant le maintien continu de cette forme dans le changement permanent de la matière.
Présentation: Cécilia Bognon-Küss est maîtresse de conférences à Sorbonne-Université en histoire et philosophie des sciences biologiques et médicales (SND, UMR 8011). Ses travaux portent sur la nutrition et le métabolisme, les recherches sur le microbiome et la question de l’identité biologique. Sa thèse soutenue à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne s’intitulait « Entre biologie et chimie : Nutrition, Organisation, Identité » et examinait le rôle joué par l’étude de la nutrition et la constitution du concept de métabolisme dans l’émergence de la biologie aux dix-huitième et dix-neuvième siècles. Elle a notamment dirigé un numéro spécial de History and Philosophy of The Life Sciences, sur le thème « Organic – Organization – Organism : Essays in the History and Philosophy of Biology and Chemistry » (2019), et un livre dans la série History and Philosophy of Biology chez Routledge intitulé Philosophy of Biology before Biology (2019).