Melville et l’usage des plaisirs
Dans cette Amérique que l’on dit souvent (à tort) puritaine, au cœur du XIXe siècle, quels sont les plaisirs possibles ? C’est la question que pose l’œuvre en prose de Herman Melville, où se déploient le potentiel et la puissance du plaisir et de la jouissance, à rebours de son image d’auteur austère et désincarné privilégiée par une certaine tradition critique.
Melville et l’usage des plaisirs explore les mondes-tables melvilliens, où la vie est une étrange affaire hybride, faite de plaisir, de joie, de souffrance et de jouissance pris dans des relations de contraste dynamique. On y rencontre d’abondantes matières à plaisirs, des corps-nourritures, plusieurs festins cannibales, maints banquets de paroles, un escroc qui jouit, un zeste de sublime physiologique, une once de joie désespérée, des symptômes de jouissance suicidaire, une pointe d’humour tragique, des régimes ascétiques, bien des mariages sans plaisir (sauf un), un bal de célibataires, quelques amitiés érotiques, des plaisirs disciplinaires, diverses économies somatiques…
Suivant la recette melvillienne d’une riche mais rigoureuse « bouillabaisse intellectuelle », cet ouvrage accommode des contemporains capitaux, des prédécesseurs admirés, des philosophes d’époques variées, le tout accompagné d’une députation de critiques et théoriciens (digne d’Anacharsis Cloots), sans qui aujourd’hui – deux cents ans après sa naissance, cent ans après sa renaissance – il ne serait possible de goûter Melville à sa juste saveur.